Bébé Chaton

Sa naissance
La naissance de Bébé Chaton fut quelque peu précipitée. Elle vit le jour à 35 semaines de grossesse, par césarienne semi-urgente, en raison d’une rupture prématurée des membranes. Quelques complications avaient marqué cette grossesse. En effet, à l’échographie de deuxième trimestre, on décela une malformation des vaisseaux du cordon ombilical (artère ombilicale unique) et à l’échographie de troisième trimestre, un polyhydramnios était relevé. Les professionnels rencontrés jugeaient ces problématiques fortuites, car le bébé allait bien, grandissait bien et elle ne présentait pas de malformations aux échographies. Ils ne recommandaient donc pas d’investigations supplémentaires.

Je me souviendrai toujours de l’étonnement de mon gynécologue lorsqu’il aperçut Bébé Chaton à sa sortie : « Qu’elle est petite! » Effectivement, elle était mini! Alors que la croissance était jugée adéquate lors de l’échographie menée l’avant-veille, ma fille se présenta à nous avec un retard de croissance, pesant tout juste quatre livres. On déposa la petite quelques secondes sur ma poitrine, le temps que je lui donne des bisous. Je lui dis que je l’aimais. Puis, elle fut rapidement transférée à la pouponnière, car elle présentait des symptômes de détresse respiratoire. Je priai mon conjoint de suivre la petite et de quérir les nouvelles pour moi. En salle de « réveil », j’étais seule, sans conjoint et sans bébé. J’entendais ma « voisine » de lit s’exclamer à la vue de son bébé. J’étais secouée par ce qui m’arrivait. Je ne voulais qu’une chose : être auprès de mon bébé. Je dus attendre deux heures avant de voir ma fille. On m’annonça rapidement que Bébé Chaton devait être transférée vers une unité néonatale dans un autre hôpital, en raison de l’aggravation de son état. On fit venir mon conjoint à mon chevet, à ma demande, alors que la panique s’emparait de moi. Je fus autorisée à voir mon bébé en pouponnière pendant quelques minutes, en attendant l’arrivée de l’ambulance. Je trouvais insupportable (et le mot est faible) de la voir peiner à respirer. Elle grognait bruyamment. Après le départ de la petite, un vif sentiment d’impuissance nous gagna, mon conjoint et moi. Nous nous retrouvions seuls dans la chambre d’hôpital. Le seul contact avec notre fille était un téléphone. Malheureusement, le transfert dans l’hôpital de mon enfant m’était refusé. Mon gynécologue m’expliqua, sur le bout des lèvres, que je n’étais pas assez payante pour le médecin là-bas, car je n’étais que convalescente.

Son hospitalisation
Mon gynécologue m’autorisa à me rendre au chevet de ma fille moins de 24 heures après ma césarienne. Le déplacement en voiture fut douloureux! Aye! Puis, constatant ma détermination à être auprès de ma fille, il m’accorda mon congé d’hôpital le lendemain matin. La première fois que je vis ma fille, j’eus un choc. Elle était aux soins intensifs de l'unité néonatale. J’étais impressionnée par tout ce matériel médical autour d'elle : le moniteur, le soluté, l’isolette, etc. Elle était intubée pour l’aider à respirer. Aucun son ne sortait lorsqu’elle pleurait. De multiples alarmes se faisaient entendre. Je ne pouvais m’empêcher de surveiller les courbes sur le moniteur, juste au cas où. On m’apprit qu’elle souffrait d’une maladie des membranes hyalines. Ses poumons n’étaient pas prêts à la naissance. Elle dut recevoir une dose de surfactant. Je pus la tenir dans mes bras pour la première fois à ses trois jours de vie. Quel pur bonheur! Mon bébé me regardait pour la première fois, de son regard profond. Elle était magnifique. J’avais le sentiment de l’aider en lui apportant jour après jour mon lait, soigneusement extrait. Après trois semaines d’hospitalisation, elle reçut son congé. Elle pesait tout juste cinq livres. Je la ramenai chez moi avec le sentiment qu’elle avait enfin retrouvé la santé et que ce périple médical prenait fin. 

Radiographie des poumons de ma belle le jour de sa naissance. Je remarque qu'on peut voir son tube d'intubation. Je n'y connais rien en interprétation de radiographie de poumon par contre. Petit fait anecdotique, comme la flèche rouge que j'ai ajouté l'indique, la vertèbre papillon de la colonne vertébrale était clairement visible lors de cette radiographie. Ça nous a sauté aux yeux, mon conjoint et moi.


L’annonce du diagnostic
Lors d’une visite de routine chez le pédiatre, alors que Bébé Chaton avait tout juste un mois, celui-ci décela une masse graisseuse dans le haut des fesses qu’il appelait lipome. Bien que cette masse soit probablement bénigne, le pédiatre m’annonça qu’il était anormal de trouver ce phénomène à cet endroit du corps. Cela pouvait annoncer une malformation de la colonne vertébrale. Il me référa alors en radiologie pour une échographie de surface du dos de ma cocotte et une radiographie de sa colonne vertébrale. Pendant l’attente de ce rendez-vous, je lisais, lisais et lisais sur le lipome lombo-sacré. Je ne trouvais évidemment que des écrits parlant de spina bifida, dans une forme plus légère où la peau recouvre la malformation « invisible ». Rien pour me rassurer. Une partie de moi se disait que Bébé Chaton ne pouvait pas avoir un spina bifida, car j’avais soigneusement pris mon acide folique des mois avant de tomber enceinte et pendant toute ma grossesse. Puis, l’examen de la colonne vertébrale, lors des échographies obstétricales, n’avait rien révélé d’anormal. Le jour des examens, mon conjoint m’accompagna à l’hôpital avec la petite. Nous étions nerveux. Pendant l’échographie, je demandai une rétroaction au médecin qui assurait l’examen, qu’elle me refusa. Aucune parole rassurante, ce qui n’augurait rien de bon. 

Une semaine plus tard, je reçus l’appel tant attendu du pédiatre. Il m’annonça brièvement que mon enfant présentait une malformation de la moelle épinière. Elle se terminait abruptement au niveau de la dernière vertèbre dorsale et de la première lombaire (D12/L1), alors qu’elle aurait dû descendre plus bas. Il m’expliqua que le lipome lombo-sacré n’était que superficiel, mais qu’ils avaient découvert un autre lipome, tout petit, sur le filum terminal (long filament au bout de la moelle épinière). Enfin, le pédiatre m’apprit que Bébé Chaton avait aussi une malformation de la colonne vertébrale, soit une agénésie du sacrum et du coccyx. Par agénésie, il signifiait que ces portions de la colonne ne s’étaient jamais formées pendant le développement intra-utérin… et donc, qu’elles étaient inexistantes. Bébé Chaton avait un syndrome de régression caudale avec agénésie sacro-coccygienne. Ce syndrome n’est pas une forme de spina bifida à proprement parler, bien qu’il partage des similitudes quant aux séquelles. 

Le pédiatre nous réfère pour une consultation en neurochirurgie au Montreal Children’s Hospital, car la problématique de la cocotte nécessite un suivi spécialisé. Je connais, de par ma profession, les séquelles généralement associées. Marchera-t-elle un jour? Sera-t-elle paralysée? Sera-t-elle continente? Nous plongeons vers l’inconnu et l'incertitude. Nous avons pris la décision, mon conjoint et moi, d’aller de l’avant et de conserver notre optimisme, afin de ne pas perdre des moments précieux en famille à nous morfondre et à refuser de voir la réalité telle qu’elle est. Nous nous efforçons de vivre le moment présent, une journée à la fois, en profitant de notre bébé si adorable avec son tempérament calme, son émerveillement et ses nombreux sourires. 



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