Au levé, la température extérieure
laissait déjà deviner que cette journée tant attendue en serait également une
de chaleur accablante et d’humidité. J’étais partagée entre la hâte et la peur
de rencontrer le neurochirurgien du Montreal Children’s Hospital. Cette rencontre
signait le début de la prise en charge médicale de Bébé Chaton pour son syndrome
et notre entrée dans les soins de troisième ligne (les soins spécialisés et
sur-spécialisés). Elle concrétisait également, dans mon esprit, cette réalité de « l'enfant-avec-besoins-particuliers », dans laquelle nous étions plongés depuis
quelques semaines déjà, bien malgré nous.
Pendant le déplacement vers
Montréal, alors que j’arrivais difficilement à contenir mon anxiété, j’ai réalisé
à quel point je m’efforce de demeurer rationnelle et en maîtrise de mes
émotions depuis l’annonce du diagnostic de Bébé Chaton. En revanche, mon corps,
lui, exprime très clairement mon stress pas si contrôlé finalement. Notamment,
j’ai pris conscience que je serre très fort les dents presque en continu, nuit
et jour, et ce, au moins depuis plusieurs jours. Des plaques d’exéma sont aussi
apparues sur mon corps, chose que je n’ai jamais eu auparavant.
À notre arrivée à Montréal, je
me sentais tremblante et fébrile, déjà que je déteste les hôpitaux et que je n’affectionne
pas particulièrement cette ville « assourdissante ». Toutefois, le « Children »
m’a inspiré immédiatement confiance. Le personnel a été vraiment gentil et plus
accueillant que ce que j’ai connu des milieux hospitaliers à ce jour. Ce milieu
m’a semblé davantage anglophone que francophone. Nous sommes arrivés au bureau
de consultation avec une heure d’avance. L’agente administrative a été d’une
gentillesse incroyable, prenant le temps de venir papoter avec Bébé Chaton. Le
neurochirurgien, voyant notre avance, nous a reçu plus tôt. Il était très
calme, gentil et professionnel. J’ai confiance en son jugement.
Sa première question me
concernait : « Êtes-vous diabétique » ? Je ne suis pas diabétique à ma
connaissance, si ce n’est qu’une tendance à l’hypoglycémie, et je n’ai pas fait
de diabète de grossesse. Mais, puisque le diabète non contrôlé est connu pour
être associé au syndrome de régression caudale chez le bébé et que j’ai fait un
polyhydramnios pendant la grossesse (associé souvent au diabète maternel), je
vais régler cette question et passer des tests. Lorsque j’ai affirmé au
neurochirurgien que j’avais aussi une artère ombilicale unique (AOU) pendant la
grossesse, il m’a indiqué que cela pourrait expliquer les malformations de Bébé
Chaton. Selon cette hypothèse, les tissus «mal nourris» en raison de l’AOU,
auraient pu se nécroser (c.à.-d. se détruire) in utero. Cependant, selon ce
spécialiste, les nécroses sont habituellement plus répandues dans le corps du
bébé dans le cas d’une atteinte liée à l’AOU, et non seulement au niveau du
sacrum. Peut-être ne saurons-nous jamais la cause exacte de la problématique de
ma fille.
Au terme de son examen
sommaire de Bébé Chaton, le neurochirurgien a jugé que celle-ci bouge bien ses
jambes, ses chevilles et ses pieds, que ses membres inférieurs sont bien formés
et qu’elle a des sensations aux pieds. Elle présente néanmoins une tension au
genou gauche et une faible masse musculaire aux pieds, nécessitant une
consultation en physiothérapie. Selon le neurochirurgien, la possibilité que
Bébé Chaton puisse marcher est tout de même envisageable. Le risque de développer
une scoliose en raison de la vertèbre papillon sera à surveiller au cours des
années. Considérant les radiographies de la colonne vertébrale et l’échographie
de la moelle épinière, réalisées dernièrement, le neurochirurgien croit que les
principales atteintes risquent de se situer au niveau du contrôle de la vessie
et des sphincters. Les nerfs contrôlant cette portion du corps seraient
insuffisants ou absents. Ceci pourrait aussi occasionner des problèmes rénaux, notamment
des infections. Pour cette raison, il nous réfère auprès d’un collègue urologue
et il demande que ce dernier réalise un bilan urodynamique auprès de Bébé Chaton.
Ce bilan vise à vérifier
le fonctionnement du système urinaire, soit la vessie et le sphincter urinaire.
Notamment, le débit urinaire est mesuré, ainsi que le volume d’urine restant
dans la vessie après une miction.
Le neurochirurgien reverra Bébé
Chaton d’ici un mois pour effectuer une imagerie par résonance magnétique
(IRM). Par cet examen, il souhaite visualiser plus clairement la moelle
épinière et la colonne vertébrale. Il pourra alors vérifier si la moelle
épinière est attachée au lipome (masse graisseuse) qui avait été découvert lors
des examens précédents. Dans un tel cas, il procéderait à une chirurgie visant
à libérer la moelle épinière, afin que celle-ci puisse suivre la croissance de
la colonne vertébrale au même rythme. Si la découverte d’une moelle attachée n’était
pas corrigée chirurgicalement, le neurochirurgien nous a avisé que la moelle
deviendrait de plus en plus tendue. Cela risquerait d’aggraver l’état de Bébé
Chaton en lui faisant perdre des acquis (p. ex. une déformation progressive des
jambes et des pieds et/ou une faiblesse des membres inférieurs pouvant
contraindre la marche) et en exacerbant des problématiques déjà existantes (p.
ex. problèmes de vessie). Cette chirurgie pourrait être réalisée vers l’âge de
six ou sept mois, selon la corpulence de Bébé Chaton. Elle est mini, donc il
parlait plus de sept mois !
Nous avons signé un formulaire
attestant que Bébé Chaton n’avait pas de pièces métalliques dans son corps, car
c’est contre-indiqué pour réaliser l’IRM. Nous attendons une date de rendez-vous
prochainement. L’agente administrative travaillera fort pour que nous n’ayons à
nous déplacer qu’une seule fois pour tous les examens.
À suivre….